« Le culte numérique : une archéologie des médias »

Explorez la culture et symbolique des médias numériques avec Guido Nicolosi.

Dans un monde de plus en plus dominé par les technologies numériques, l’essayiste italien Guido Nicolosi professeur en sociologie de la culture et de la communication à l’Université de Catane, nous incite à examiner les fondements symboliques et culturels de notre engouement pour ces médias. Loin d’être de simples outils, ces technologies sont devenues des extensions de notre expérience humaine, teintées d’une dimension quasi-religieuse.

Médias et mémoire

Le culte numérique qui paraît aux éditions Manucius le 12 septembre prochain, nous invite à explorer la relation symbiotique entre médias et mémoire à travers une approche que son auteur qualifie d’archéologie des médias. Cette méthodologie novatrice vise à enquêter sur les racines historiques et culturelles de cette longue histoire. Médias et mémoire sont liés par une relation intime. Tout acte visant à fixer, mémoriser, commémorer, nécessite la médiation d’un support matériel ou immatériel : murs, objets, langages, technologies, médias. Dans les sociétés humaines ces médiateurs sont donc investis d’un pouvoir extraordinaire. Cet ouvrage reconstruit l’évolution de cette relation indissociable entre médias et mémoire, de l’art rupestre aux dispositifs numériques modernes, en étudiant également ses diverses implications sociales.

Nous habitons un monde dans lequel le traitement, l’accumulation et la récupération d’informations s’effectuent de plus en plus via Internet, les dispositifs numériques et l’intelligence artificielle. L’auteur met en évidence les risques cognitifs, éthiques, éducatifs et politiques de cette omniprésence obsessionnelle, décrivant un nouveau «culte» numérique. Cette fascination quasi-religieuse est fondée sur l’idée que les médias numériques ne sont pas de simples outils, mais des extensions essentielles de notre expérience humaine.

Les comportements des usagers des smartphones et des internautes évoquent de plus en plus cette «sacralisation». Ils ressemblent beaucoup aux rituels d’une nouvelle religion numérique quotidienne. L’auteur utilise une perspective média-archéologique pour expliquer la généalogie et trouver les preuves empiriques de ce culte implicite mais capable de remplir des fonctions sociales similaires à celles des religions traditionnelles : réduire la complexité, donner du sens, créer des relations sociales, produire une cohésion.

Il semblerait donc que notre défi aujourd’hui soit multiforme. Il ne s’agit pas seulement de saisir quels sont les risques d’un éventuel affaiblissement de notre capacité à nous souvenir et connaître le monde, mais de comprendre qui ou quoi possède et contrôle notre mémoire individuelle et collective. En fin de compte, il s’agit d’appréhender le devenir de notre identité. Cette démarche érudite et critique invite à une réflexion fondamentale sur la manière dont les mémoires numériques façonnent et, potentiellement, aliènent notre subjectivité. Face à l’avènement inquiétant d’une inexorable «théocratie technologique», l’auteur en appelle aux principes et pratiques d’une nouvelle «laïcité numérique».

Essai stimulant et convaincant, Le culte numérique nous propose une compréhension profonde des dynamiques culturelles sous-jacentes à notre fascination pour les technologies numériques. Il met en lumière les implications sociétales de cette relation complexe tout en soulignant la nécessité d’une approche critique et réfléchie face à l’influence grandissante des médias numériques sur notre quotidien.

MANUCIUS
MANUCIUS
Articles: 3