Pourquoi lire « Le Serviteur » d’Henri Bachelin?

Lire "Le Serviteur" d'Henri Bachelin

Le serviteur d’Henri Bachelin publié en 1918 chez Flammarion, est un récit autobiographique poignant qui a valu à son auteur le prix Femina la même année. Ce livre, écrit à la deuxième personne du singulier, est un hommage émouvant à son père, journalier et sacristain dans une bourgade du Morvan à la fin du XIXe siècle. À travers une prose sobre et sensible, Bachelin retrace la vie humble et résignée de cet homme qu’il considère comme une figure quasi sainte, marquée par le labeur et la foi.

Éloge de la simplicité

Il est des auteurs qui de leur vivant ont occupé sur la scène littéraire une place non négligeable et qui disparaissent de manière énigmatique. S’il est vrai que le temps discrimine souvent avec discernement, la règle n’est heureusement pas intangible. Des œuvres méritent d’être encore lues et sorties de l’oubli dans lesquelles elles sommeillent.
Il en est ainsi du Serviteur d’Henri Bachelin paru chez Flammarion en 1918, qui, la même année fut cité pour le Goncourt, et décrocha le prix Fémina.
Auteur et critique prolixe, H. Bachelin était un passionné de musique religieuse et spécialiste reconnu de l’orgue à laquelle il consacra un ouvrage théorique de référence (L’Orgue, ses éléments, son histoire, son esthétique).
Homme de lettres, il a croisé les routes littéraires d’André Gide ou de Paul Léautaud. De la génération de Maurice Genevoix et Romain Rolland, il fut l’ami de Jules Renard (dont il édita les œuvres complètes chez François Bernouard). Mais contrairement à ces derniers, il n’eut ni Jean-Christophe, ni Poil de Carotte pour assurer sa postérité.
Le serviteur pourtant aurait mérité un souvenir pérenne, car tout y est modeste et tout nous y apparaît grand.
Henri Bachelin nous offre ici une œuvre où la simplicité de la prose n’est jamais synonyme de superficialité. Au contraire, elle invite le lecteur à une immersion totale dans la profondeur des émotions humaines et des vérités universelles.
L’auteur y rend un hommage à son père, journalier et sacristain, qui mena une vie humble et résignée dans une bourgade du Morvan à la fin du XIXe siècle. Ce livre – qui n’est pas un roman mais plutôt un récit autobiographique – retrace les travaux et les jours d’un homme qui fut, pour son fils, une manière de saint.
L’ouvrage se distingue formellement car il est l’un des rares (et des tout premiers) écrits à la deuxième personne du singulier. Ce choix peu commun est néanmoins opérant car il induit une intimité attachante avec ce père pudique et admirable.
Le récit quant à lui s’inscrit dans un temps aujourd’hui disparu et narre avec grande justesse une époque où les saisons, la nature et Dieu sont encore intriqués de manière immuable. C’est la France rurale des villages d’avant la Grande Guerre, où les jours s’écoulent au gré des saisons et où l’on s’accommode encore du peu. On travaille non pour s’enrichir, mais pour subsister, on contemple les soirées d’été étoilées, on connaît sa place future au cimetière.
Le serviteur décrit un monde disparu, englouti par notre modernité et à ce titre, il demeure un témoignage émouvant d’une époque devenue fantomatique, mais encore présente au cœur de ceux qui scrutent la vie dans une mémoire au long cours.

MANUCIUS
MANUCIUS