LUI (roman contemporain)

Louise Colet

Le nom de Louise Colet (1810-1876) est associé à celui de Flaubert pour l’éternité. Maîtresse du grand écrivain, son propre destin artistique a été injustement balayé par la statue flaubertienne. Ajouté à cela sa condition de femme qui se pique d’écrire dans un XIXe siècle peu sensible à la condition du sexe dit faible, il n’en fallait pas plus pour que cette poète, romancière, dramaturge, disparaisse durablement de la scène littéraire. Son œuvre est cataloguée dans le registre mineur de la littérature féminine, autrement dit, un peu trop sensible pour être véritablement sérieuse (On n’écrit pas avec son cœur mais avec sa tête, déclare Flaubert).
L’histoire littéraire de Lui relève tout d’abord de l’anecdote puisqu’elle met en scène les liaisons tumultueuses entre quatre grands écrivains. En 1859, George Sand publie Elle et Lui, roman dans lequel elle relate ses amours avec Alfred de Musset. Paul de Musset, frère du poète, ne goûte guère à l’exercice de style et réplique avec la parution de Lui et Elle, dans lequel il entend rétablir ses vérités. Louise Colet vient enfin se mêler au débat avec la publication de Lui, roman contemporain.
Par l’entremise de son personnage Léonce, elle exécute un portrait de Flaubert, amant absent, menteur et égoïste, ainsi : L’autre, là-bas, loin de moi, dans son orgueil laborieux et l’analyse éternelle de lui-même, il n’aimait point ; l’amour n’était pour lui qu’une dissertation, qu’une lettre morte ! En parallèle Albert de Lincel (Musset), incarnation du poète incandescent, rongé par la passion et l’alcool, chronique sa relation funeste avec Antonia Back (George Sand).
Le récit de ces amours multiples va bien au-delà d’un romantisme de bon aloi. Plus subtilement, Louise Colet cherche ainsi à saisir les éternelles questions que soulèvent les relations entre les hommes et les femmes : qu’en est-il des besoins intellectuels et sensuels de chacun ? Comment cerner les malentendus qui en résultent.
Roman à clés, Lui est aussi pour son auteur le moyen subversif d’affirmer une sexualité féminine décomplexée et de montrer la difficulté des hommes à accepter les femmes d’esprit. Artiste à part entière, féministe avant l’heure, personnalité engagée, il est temps d’accorder à Louise Colet toute l’attention qu’elle mérite et en premier lieu, de la lire.

15×24 cm – 238 pages

24,00