L’indigent philosophe

Marivaux

« Après avoir choqué le verre cinq ou six fois, ce vin-là est bon, me dit-il. Autrefois je l’aurais trouvé bien mauvais, mais ce temps-là n’est plus ; j’ai appris à savourer le médiocre, et il n’y a plus aujourd’hui de vignoble que je n’estime, ils sont tous en Champagne pour moi : vive la pauvreté, mon camarade ; les gueux sont les enfants gâtés de la nature : elle n’est que la marâtre des riches, elle ne produit presque rien qui les accommode. Les deux tiers de ses vignes ne leur conviennent pas : quelle perte pour eux, mon cher confrère, et quel plaisir pour nous ! Nous buvons tout son vin, de quelque côté qu’il vienne, quelle bénédiction ! […]
Au reste, quand on a mangé son bien, qu’on n’a plus de commerce avec la vanité de ce monde, et qu’on est vêtu de guenilles, enfin quand on ne jouit plus de rien, on raisonne de tout ».

12×16 cm – 108 pages

10,20