la politique de l’esprit

Paul Valéry

« Si donc le monde suit une certaine pente sur laquelle il est déjà assez engagé, il faut dès aujourd’hui considérer comme en voie de disparition rapide les conditions dans lesquelles, et grâce auxquelles, ce que nous admirons le plus, ce qui a été fait de plus admirable jusqu’ici a été créé et a pu produire ses effets.
L’homme moderne a les sens obtus, il supporte le bruit que vous savez, il supporte les odeurs nauséabondes, les éclairages violents et follement intenses ou contrastés ; il est soumis à une trépidation perpétuelle ; il a besoin d’excitants brutaux, de sons stridents, de boissons infernales, d’émotions brèves et bestiales.
Il supporte l’incohérence, il vit dans le désordre mental. Il existe des machines qui dispensent de l’attention, qui dispensent du travail patient et difficile de l’esprit ; plus nous irons, plus les méthodes de symbolisation et de graphie rapide se multiplieront. Elles tendent à supprimer l’effort de raisonner.
Enfin, les conditions de la vie moderne tendent inévitablement, implacablement à égaliser les individus, à égaliser les caractères ; et c’est malheureusement et nécessairement sur le type le plus bas que la moyenne tend à se réduire. La mauvaise monnaie chasse la bonne. »

La politique de l’esprit (Notre souverain bien) est une conférence donnée par Paul Valéry à l’Université des Annales le 16 novembre 1932 qui a été par la suite publiée dans Variété. Elle est ici complétée de la Lettre sur la société des esprits.

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12×16 cm – 78 pages

8,00