Géricault. Le radeau de la Méduse

LE SUBLIME ET SON DOUBLE

Jérôme Thélot

« Aucun peintre sans exception, depuis Michel-Ange, n’avait été appelé à sentir et à rendre le genre terrible d’une manière plus puissante que feu Géricault. » C’est ainsi que le comte de Forbin défendait en 1824 Le Radeau de la Méduse, dont plusieurs malentendus avaient marqué la réception. Aucun peintre depuis Michel-Ange n’avait réinventé avec tant d’audace les exigences d’un art sublime, donnant à la peinture française son tableau le plus célèbre, au romantisme son chef-d’œuvre, et à la modernité son premier mythe de la catastrophe. Mais dans Le Radeau de la Méduse Géricault fournit de l’expérience du sublime une version si différente de toutes celles qui l’ont précédée, qu’il n’y a pas un concept dans la théorie esthétique pour la décrire adéquatement. Les souffrances que Géricault a peintes n’attestent aucun arrière-monde, pourtant leur déréliction n’empêche pas que sa peinture y trouve un absolu. Le Radeau de la Méduse participe d’un lieu que nous avons en nous – d’un lieu commun – dans lequel il nous est possible de nous rencontrer. « Nous sommes, disait Victor Hugo, sur le radeau de la Méduse. Et la nuit tombe. »

Jérôme Thélot est professeur de littérature française à l’Université de Lyon. Ses écrits portent sur la poétique et la poésie ( Le travail vivant de la poésie, Les Belles Lettres, 2013), sur la philosophie de l’affectivité ( L’Idiot de Dostoïevski, Gallimard, 2008), et sur les conditions de l’image photographique (Critique de la raison photographique, Les Belles Lettres, 2009).

12×16 cm – 82 pages

10,20